L’art, c’est le réconfort d’un destin glorieux
La caricature est une praxis de l’histoire. Le travail de l’historien et du caricaturiste consiste en l’appropriation et la construction des événements et des grands récits historiques.
En 1812, Napoléon décide de mener une campagne militaire en territoires russes. La campagne tourne au désastre lorsque l’hiver arrive. Contrairement aux habituelles batailles rangées où Napoléon fait valoir son génie militaire, la Grande Armée affronte une géographie hostile qui décime les troupes françaises sans que les forces humaines de la Russie aient à faire le moindre effort. Les événements furent observés par Armand de Caulaincourt (1772-1827), ambassadeur à Saint-Pétersbourg : « Ils ont mis dans les mains de la Russie la balance des destinées européennes ». Lorsque, plus de trois quarts de siècle après la chute de Napoléon, Friedrich Engels rédige son fameux article portant sur la politique extérieure du tsarisme russe, il confirme explicitement les propos de Caulaincourt en écrivant que « [l]a victoire sur Napoléon fut la victoire de la monarchie européenne sur la Révolution française » et que « [j]amais auparavant la Russie n’avait occupé une position aussi puissante » (1890).
Dans cette sélection de gravures, on assiste à la construction d’un métadiscours historique dont l’objet est le medium de la caricature lui-même. Les caricaturistes des générations héritières de Gillray ont repris et retravaillé ses motifs et ses inventions. Cruikshank cite le Tiddy Doll de Gillray, et ainsi, tel un historien validant les conclusions d`un autre historien, semble donner raison à la fois à l’analyse historique de Gillray et à sa méthode, la caricature.
– Alexis Desgagnés