La modernité et ses platitudes: James Gillray and his contemporaries
Difficile d’imaginer un monde enflammé par des caricatures. C’est pourtant ce que présente au visiteur cette exposition consacrée à la période autour de 1800, période marquée par une grande instabilité artistique, sociale et politique. Une soudaine explosion d’images satiriques semble accompagner la montée d’un pouvoir politique et artistique qui prétend alors se fonder sur des valeurs naturelles et intemporelles. Art complexe et en prise directe sur la société, la caricature fait feu de tout bois, puisant aux sources classiques des Beaux-Arts et profitant du développement d’une culture de masse qui la rend immédiatement accessible à un public de plus en plus vaste.
Cette exposition a été réalisée par des étudiants de maîtrise et de doctorat dans le cadre d’un séminaire donné à l’Université de Montréal à l’automne 2005. Tirant partie de l’importante collection de caricatures britanniques et napoléoniennes conservées à la réserve des livres rares de l’Université McGill, les étudiants ont choisi de se concentrer sur les œuvres du graveur londonien James Gillray. C’était la génération de celui-ci et de ses compatriotes, Thomas Rowlandson et Isaac Cruikshank, qui comptent parmi les premiers à avoir fait leurs carrières dans la production d’images satiriques.
Comme toute autre œuvre d’art, la caricature n’est pas le simple miroir de la société qui l’a produite. Elle se révèle au contraire, à la grande satisfaction du critique et de l’historien d’art, bien plus riche et complexe. L’objectif que nous nous sommes fixé pour cette exposition était d’amener le visiteur à se positionner entre la gravure et des platitudes familières. Ces images nous invitent à mettre à l’épreuve nos propres credo politiques et artistiques en nous amenant à déterminer par quels moyens et à quelles fins ces œuvres trafiquent, façonnent ou désamorcent les dogmes politiques, défont la confiance aveugle en la raison humaine et en la destinée européenne, révèlent les stéréotypes nationaux et la xénophobie, questions qui ne sont pas tout à fait perdues dans les dunes du temps.
– Todd Porterfield
Commissaire invité,
Chaire de recherche du Canada, Département d’histoire de l’art
et études cinématographiques, Université de Montréal.
Difficult as it may be to imagine a world ablaze over caricatures, our exhibition invites visitors to examine the years around 1800, a period of formative instability in artistic, social, and political spheres. Visual satire seemed to explode on the scene against a reassertion of the ostensible timelessness and naturalness of artistic and political authority. Complex and relevant, caricature drew from the august traditions of high art while emerging into a nascent mass culture that seemed to broadcast at lightning speed to a limitless public.
Graduate students in my fall 2005 Université de Montréal seminar produced this show over a single semester. They studied the outstanding collection of British and Napoleonic caricatures from the Rare Books Collection of McGill University. They focused on works by the London engraver, James Gillray, who, with his colleagues Thomas Rowlandson and Isaac Cruikshank, were among the first to stake their professional livelihood on visual satire.
This exhibition advances no claim to art passively reflecting external social and political realities. It is the art historian’s great good fortune that Gillray’s works, like all pictures, are more complex and potent than that. Rather, our method is to force our visitors between prints and platitudes. Confronted with political and artistic pieties, they are invited to evaluate by what means and to what ends these works trafficked, fashioned, or thwarted smug political assumptions, unwavering confidence in human reason and European destiny, national stereotypes, and xenophobia – themes, which, it would be hard to maintain, are lost in the sands of time.
– Todd Porterfield
Guest Curator,
Chaire de recherche du Canada, Département d’histoire de l’art
et études cinématographiques, Université de Montréal.