La collection Napoléon de l’Université McGill fut créée dans les années 1950, sous les auspices du bibliothécaire universitaire Richard Pennington. Cette collection, qui a démarré grâce à un don de livres et d’estampes de l’éditeur canadien Frederick Southam (1869-1946), fut ensuite développée avec l’aide de Paul Fleuriot de Langle, conservateur au Musée Marmottan à Paris, spécialiste de Napoléon et de l’art de l’Empire, ainsi que de Paul Prouté, marchand d’estampes parisien. De plus, des libraires français et anglais fournirent des publications contemporaines, des documents et monographies. Un grand nombre de ces livres provenaient d’importantes collections, comme celle de la Carberry Tower Library, qui a appartenu à la famille Elphinstone. Au début des années 60, la collection Napoléon comptait quelque 2000 estampes individuelles et 2400 monographies et matériaux s’y rapportant.
Bien que l’on retrouve plusieurs collections napoléoniennes en Amérique du Nord, la collection de McGill se distingue par le nombre de publications datant d’avant 1850, ainsi que par le nombre d’estampes de cette époque. Richard Pennington avait en tête une idée précise de ce que devait être une collection napoléonienne et l’avait expliqué au moins une fois par écrit [voir «Napoleon … and the Student problem.» The McGill News, 37 (été 1956), pp. 21, 40-41.] La richesse picturale de la collection et le nombre d’objets imprimés contemporains représentent le legs de Pennington aux chercheurs et aux étudiants de l’ère napoléonienne.
Quand Richard Pennington prit sa retraite en 1965, la collection connut un sort partagé. Il y avait un interêt continu pour les objets pictoraux, de nouvelles pièces y étaient régulièrement ajoutées au cours des années 70, mais l’interêt pour les monographies et les autres objets imprimés s’estompa. Cette indifférence pour les matériaux imprimés mena à un démembrement de la collection en 1977. Un nombre de livres furent jugés comme ne faisant pas partie de la collection de livres rares, et durent être intégrés dans la collection générale de prêts de la Bibliothèque des sciences humaines. On comptait dans cette section entre 1800 et 2000 volumes. Les critères utilisés pour cette sélection n’ont jamais été précis; des livres qui étaient clairement des livres rares furent ainsi intégrés dans la collection en circulation.
Pendant les années 80, les monographies languirent dans des limbes bibliographiques. Seuls quelques objets considérés comme non-rares furent finalement intégrés dans la principale collection de la Bibliothèque McLennan, le reste demeurant «entreposé». Le matériel «rare» n’entraîna pas beaucoup plus d’enthousiasme. Cependant, en 1990, la professeure Carol Solomon Kiefer du Département d’histoire de l’art de McGill remarqua la collection d’estampes napoléoniennes. Cette collection servit donc de base à un cours pendant lequel les étudiants travaillèrent sur certaines estampes. Il en résulta l’organisation d’une exposition et la création d'un catalogue : What Was Thus by Chance Begun – The Napoleon Collection of McGill University: Selected Prints and Illustrated Books. Montréal : [Université McGill], 1991. C’est à peu près au même moment que les deux sections de la collection de monographies furent physiquement réunies, afin qu’une décision puisse être prise sur l’avenir de la collection dans son ensemble.
En 1996, la nouvelle conservatrice en chef de la Département des livres rares et des collections spécialisée, Madame Irena Murray, entreprit comme un de ses premiers projets, la réévaluation de la collection d’estampes napoléoniennes de la bibliothèque. À l’aide de subventions de l’ordre de 17,000 $, deux projets furent ainsi amorcés. Le premier fut une analyse comparative avec d’autres collections importantes en Amérique du Nord, notamment la collection Napoléon de l’Université Brown.
Le deuxième projet fut la commémoration du bicentenaire en 1998 de l’expédition de Napoléon en Égypte. L’exposition, organisée par Ann Marie Holland, démontra la richesse d’objets détenus par d’autres bibliothèques de l’Université McGill, notamment la Bibliothèque Osler sur l’histoire de la médecine, la Bibliothèque d’études islamiques et la bibliothèque de biologie Blacker-Wood, avec son exemplaire de la Description de l'Égypte ou Recueil des observations et des recherches qui ont été faites en Égypte pendant l'expédition de l'armée française, 1798-1801. Paris : Imprimerie Impériale, 1809-1822. L’exposition elle-même se divisa entre les cinq bibliothèques de McGill et fut accompagnée d’un catalogue : Napoleon's Expedition to Egypt: a Bicentenary Exhibition / Ann Marie Holland, curator. Montreal : Rare Books & Special Collections Division, McGill University Libraries, 1998.
Ces projets amenèrent un nouveau souffle à la collection Napoléon. La décision fut prise d’utiliser les nouvelles technologies afin de présenter sous un angle nouveau et dynamique une collection qui était jusqu’alors largement sous-explorée et sous-exploitée. Grâce à ces nouvelles technologies, la collection Napoléon deviendrait accessible non seulement aux étudiants et aux chercheurs de l’Université McGill, mais aussi à tous ceux qui ont accès à l'Internet.
En 1997 et 1998, le projet Napoléon fut parmi les projets approuvés pour une bourse du Conseil de Recherches en Sciences Humaines du Canada. Mais il ne fut pas subventionné. L’équipe du projet analysa donc les commentaires du jury et rédigea une nouvelle demande. Heureusement, en 1999, la demande révisée fut subventionnée par le CRSH pour une durée de trois ans et pour un total de 97 000 $. Le projet commença en avril 1999. Depuis, le projet est sous la direction de Monsieur Richard Virr, conservateur des manuscrits, Bibliothèque des livres rares et des collections spécialisées et chercheur en chef, et de Monsieur David McKnight, bibliothécaire des collections numérisées et chercheur adjoint. Madame Irena Murray, conservatrice en chef de la division des livres rares et des collections spécialisées jusqu’en août 2004, fut une collaboratrice sur le projet. Depuis le début du projet, une série de nouvelles acquisitions, particulièrement dans les domaines de la littérature et de l’histoire culturelle, a donné une nouvelle dimension à la collection.
Maintenant, alors que le site web Napoléon est lancé, l’ampleur des richesses de la collection Napoléon est révélée pour la première fois. On peut non seulement profiter des estampes en feuilles numérisées disponibles sur le site Internet, mais aussi de quelque 10 000 estampes incluses dans les livres qui sont également numérisées et disponibles. Des notices détaillées sont accessibles pour la plupart des monographies, avec une attention particulière portée sur les publications d’avant 1830. Quelque 1000 images cartographiques et dossiers sont aussi numérisées et disponibles. Cependant, le travail qui consiste à répertorier et à décrire le contenu de cette collection se fait progressivement et se poursuivra encore pendant au moins deux ans jusqu’à ce que l’information soit à un niveau acceptable. Le site Internet est donc « en construction ». Néanmoins, il est maintenant possible pour les chercheurs et les amateurs de l’époque napoléonienne de commencer à examiner cette vaste collection.