[L]’œuvre d’une femme artiste, admirablement donnée, merveilleusement laborieuse comme Mme Cécile Chaminade, fait plus pour l’émancipation réelle de la Femme et est plus menaçante pour notre longue automomie [sic] masculine que tous les discours.
- Anon., “Mme Cécile Simon, Mme. Mel Bonis, Mme Cécile Chaminade (Conférence posthume d’Armand Silvestre),” La Française, 7 août 1901.
L’art nouveau qui orne les pages de couverture des dernières sélections de cette exposition caractérise le passage au XXe siècle, l’entrée dans une nouvelle ère qui laisse entrevoir des changements plus progressistes au chapitre des conventions sociales et des droits des femmes. À la Schola Cantorum, Vincent d’Indy engageait des femmes dans son corps professoral et admettait les étudiantes sous les mêmes conditions que les hommes. En 1904, Hélène Fleury décrocha le deuxième second grand prix et en 1913, Lili Boulanger (1893–1918) remporta le premier grand prix de Rome. Les œuvres de compositrices se jouaient plus fréquemment dans des séries de concerts prestigieuses, comme les concerts de la Société Nationale et les Concerts Colonne. La princesse Armande de Polignac devint la première femme à diriger des orchestres professionnels et en 1913, Cécile Chaminade (1857–1944) fut la première compositrice à être décorée de la Légion d’honneur.
Malgré le fait que les femmes bénéficiaient d’un meilleur accès aux institutions musicales, la presse les attaquait fréquemment. Les critiques qui commentaient les œuvres de compositrices débattaient de notions sur l’esthétique sexuée des compositions et sur la personne de l’auteure. Aux prises avec des politiques culturelles complexes et discriminatoires, les femmes devaient user de stratégies variées pour promouvoir leur carrière et leur image publique. Augusta Holmès (1848–1903) diffusa d’abord sa musique dans les salons avant de passer résolument sous les réflecteurs avec des œuvres patriotiques comme son Ode triomphale en l’honneur du centenaire de 1789 créée lors de l’Exposition universelle de 1889. D’ailleurs, Holmès entretenait pour elle-même une singulière image de patriote « virile ». Dans une démarche inverse, Cécile Chaminade composa d’abord des pièces instrumentales d’envergure, comme sa symphonie dramatique Les amazones (1888), avant de se tourner vers des genres plus intimistes dont des œuvres pour piano, de la musique de chambre et des mélodies. Elle tira avantage du marché des salons de musique pour atteindre une reconnaissance internationale, en particulier aux États-Unis où elle entreprit en 1908 une ambitieuse tournée. Jane Vieu (1871–1955), une compositrice et éditrice de musique qui écrivit une centaine d’œuvres dont des opéras, des pièces pour piano, de la musique de chambre et des mélodies, soutenait que « l’important pour une femme, c’est de travailler. Donc travaillons » (Rivière, 1902).