Sexualité, désir et déstabilisation

Les femmes ne sont pas faites pour ça… Elles sont faites pour se soumettre à la passion d’un homme par leur affection pour lui, par la reconnaissance de sa tendresse et surtout par l’anticipation sensible de la maternité. Le moment où les sens sont éveillées chez une femme, elle devient un monstre.

– Camille Pert, Le bonheur conjugal (cité par Mesch, 2009, 81).

Dans les années 1880 et 1890, les Français ont adopté le terme « fin-de-siècle » pour désigner leur époque. L’expression pouvait véhiculer l’idée de conclusion, de décadence, voire de dégénérescence, renvoyant au sentiment d’inquiétude que plusieurs éprouvaient face aux transformations sociales qui s’opéraient alors. Ce qui inquiétait c’était surtout le rôle des femmes dans la société et en particulier, leur sexualité. La prostitution à Paris était une préoccupation constante tout au long du XIXe siècle. Songeons à des types de prostituées comme les « lorettes » et les « grisettes ». De nombreuses femmes célibataires en étaient souvent réduites à travailler comme insoumise (prostituée clandestine) pour suppléer à leur faible revenu. Même si elle était règlementée, la prostitution croissait à la Belle Époque, et ce, sur la rue comme dans les salles de spectacle. Mais c’était d’abord la « nouvelle femme » qui venait perturber les mœurs bourgeoises traditionnelles.

Comme l’a montré Karen Offen (1984), les débats autour du féminisme, du nationalisme et du dépeuplement étaient étroitement interreliés. Généralement, on considérait la famille comme l’unité fondamentale de la nation. Pour la droite, la fonction principale d’une femme était de porter des enfants. Ainsi, la femme bourgeoise idéale devait être une épouse discrète qui remplissait son rôle « naturel » de mère. Les livres de bienséance enseignaient aux jeunes filles respectables à demeurer chastes, alors que les jeunes garçons, eux, étaient libres de vivre leur sexualité. Les femmes travaillant comme domestique étaient souvent victimes d’une double morale sexuelle : les hommes de la bourgeoisie se tournant fréquemment vers elles pour avoir des relations sexuelles prénuptiales ou extraconjugales. Les dangers de la nouvelle femme résidaient dans sa défiance des normes sexuelles conventionnelles : elle choisissait de rester célibataire, de vivre un mariage non traditionnel, de s’engager dans une relation homosexuelle et d’exprimer son désir sexuel.

La sexualité féminine était abordée dans les journaux, les romans, les pièces de théâtre, les opéras et les chansons. Alors que la femme n’était toujours qu’un objet sexuel aux yeux des hommes, on commençait à percevoir des traces de désir féminin sur les planches. Sarah Gutsche-Miller (2015) a observé que dans les productions culturelles de la Belle Époque, l’autonomie sexuelle des femmes était à la fois tolérée et condamnée. Les femmes étaient tantôt considérées comme des objets sexuels dont l’indépendance menaçait l’ordre social, et tantôt comme des individus modernes et compétentes.

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