En déniant à la femme le droit au travail, vous la ravalez, vous la mettez sous le joug de l’homme et vous la livrez en tout au bon plaisir masculin. […] c’est le travail seul qui donne l’indépendance, sans laquelle nulle dignité n’est possible.
- Paule Minck [Mink], Paule Minck communarde et féministe, 1839–1901 (1981, 122–23).
Durant la seconde moitié du XIXe siècle, au milieu des changements politiques et d’un accroissement de l’industrialisation et de l’urbanisation, de nouvelles possibilités d’emploi s’ouvrirent pour les femmes. Elles pouvaient désormais travailler comme enseignantes, infirmières, commis de banque, caissières, vendeuses de magasin, employées des postes, télégraphistes et standardistes téléphoniques, pour ne nommer que quelques-uns des nouveaux métiers féminins. Les développements technologiques et la croissance du commerce favorisèrent plus particulièrement l’émergence, dans les centres urbains, de ces nouveaux débouchés professionnels. Au début des années 1860, les toutes nouvelles compagnies de télégraphe et de téléphone embauchaient des femmes pour travailler comme standardiste. En 1892, on se mit à engager des « dames employées » dans les bureaux des services postaux. En outre, les nouveaux grands magasins de Paris engageaient de jeunes femmes célibataires comme vendeuses.
Comme l’ont relevé Joan Scott et Louise Tilly (1975, 1978), la classe sociale et le statut matrimonial influencèrent l’intégration des femmes à la main d’œuvre. Plusieurs de ces nouveaux métiers féminins étaient adaptés aux femmes de la classe moyenne qui auraient cessé de travailler une fois mariées, au contraire des femmes des milieux pauvres qui devaient travailler pour subvenir aux besoins de leur famille. En réalité, plusieurs travailleuses continuèrent à occuper des emplois dans les secteurs traditionnels du textile, de l’agriculture et des services à domicile. Toutefois, dans les années 1890, une nouvelle législation établissant un salaire minimum et limitant le nombre d’heures de travail permit sans doute d’améliorer les conditions des ouvrières.
Des féministes notoires, comme Paule Mink, saluèrent l’accession des femmes au marché du travail, car cela leur permettait d’échapper à la corvée du travail à domicile. Néanmoins, cette nouvelle ne plaisait pas à tous. L’alarmante baisse du taux de natalité en France souleva des inquiétudes face au travail des femmes qui risquait, selon certains, de nuire à la santé des femmes et à leur rôle « naturel » de mère. Jules Michelet soutenait que les femmes ne devraient pas travailler hors de leur domicile ; il écrit même dans La femme : « L’ouvrière ! mot impie, sordide » (1860, 22). Jules Simon, lui, va beaucoup plus loin en déclarant : « La femme, devenue ouvrière, n’est plus une femme » (1861, vi).