[L]a femme est citoyenne de droit, sinon de fait, et, comme telle, il lui faut se mêler à la vie du dehors, à vie sociale.
– Pauline Roland (1851, cité par Foley, 2004, 128).
Au XIXe siècle, la Liberté était personnifiée par une femme. Or, les femmes jouissaient de bien peu de liberté à cette époque. Elles étaient considérées comme mineures, soumises à leur mari et économiquement peu émancipées. Comme l’a remarqué Claire Moses (1984), le code Napoléon de 1804 a enchâssé la différenciation des sexes. Mais avec l’agitation politique qui a suivi la révolution de 1848, le mouvement féministe s’est mis à progresser à travers l’Europe, y compris en France. Les femmes se regroupèrent alors en associations et fondèrent des journaux afin de lutter pour l’égalité des droits, incluant celui de participer aux affaires publiques, celui d’être économiquement indépendantes et bien sûr, celui de voter. Parmi les championnes de la cause, notons Eugénie Niboyet, Jenny d’Héricourt et Jeanne Deroin, cette dernière s’étant même présentée comme candidate aux élections législatives de 1849. Si au départ, la mobilisation des femmes ne durait pas bien longtemps, souvent écrasée, à l’instar de plusieurs autres mouvements sociaux, sous les restrictions imposées au droit d’association, les fondations du changement social étaient maintenant en place.
Dans les années 1860, on assista au déclenchement d’une nouvelle vague de revendications. Parmi les nombreuses femmes qui, durant cette période, ont défié l’inertie sociale et le statu quo législatif, notons Louise Michel, Paule Mink et celle qui fut la première à se proclamer « féministe », Hubertine Auclert. Même si les féministes socialistes et les féministes bourgeoises n’avaient pas toujours des priorités identiques, le mouvement des femmes connut quelques avancées. Ainsi, dans les années 1880 et 1890, les femmes pouvaient-elles divorcer, posséder un compte en banque et exercer certaines professions. En 1881, la France institua des lycées pour filles si bien qu’à la fin du siècle, les femmes avaient davantage accès à l’éducation. Le droit de vote fut toutefois laissé de côté et ce n’est qu’en 1944 que les Françaises ont obtenu le droit de voter.
Les activités des femmes tout comme les réactions de la société face à leurs demandes étaient abordées, ridiculisées et contestées sur la scène des cafés-concerts. La chanson populaire reflétait les inquiétudes sociales résultant de la question des femmes ; certaines pièces se moquaient et se plaignaient tout à la fois d’une éventuelle inversion des responsabilités. Dans la presse se répandait également l’image d’une nouvelle femme « éduquée, sportive, fumant le cigare et détestant le mariage » (cité par Offen, 2000, 189), image qui se répercutait aussi dans les textes et les illustrations de couverture de plusieurs chansons de café-concert.