Collection Canadienne d'affiche de guerre
Collection Canadienne D'Affiche De Guerre

Au sujet de la Collection Canadienne d'affiches de guerre

Small Photo of Victory Bond Campaign, Regina 1918

L'affiche moderne produite en série est le fruit de l'invention de la lithographie en 1798. Ces grandes réclames et annonces aux lettres audacieuses et aux couleurs vives, présentées au public sur des surfaces verticales et au niveau des yeux, eurent un effet important et direct sur un public habitué aux prospectus et aux annonces dans les journaux et les revues. En 1890 au Canada, les affiches in-plano étaient largement diffusées et utilisées à diverses fins, notamment pour les annonces gouvernementales. En raison des besoins de recrutement et de financement de la Première Guerre mondiale, les gouvernements ont été amenés à produire plus d'affiches que jamais. Les affiches canadiennes pour la Première Guerre mondiale (et pour la Deuxième) ont été imprimées dans les grands centres d'édition de Hamilton, Montréal et Toronto. Selon le livre de Marc Choko qui fait autorité, Canadian War Posters (Méridien, 1994), les affiches de guerre canadiennes ont été tirées à plusieurs centaines d’exemplaires jusqu'à 50 000. Ces affiches ont eu un profond impact dans divers lieux publics : sur les vitrines de magasins, sur les panneaux d'affichage, dans les traversiers, les usines…

Durant la Première Guerre mondiale, les images des affiches canadiennes étaient similaires aux affiches de guerre britanniques sur les plans thématique et graphique. Cette ressemblance visuelle était en partie attribuable aux liens impériaux et constitutionnels qui unissaient le Canada à la Grande-Bretagne. De plus, les affiches canadiennes visaient certains groupes ethniques spécifiques. Il y avait spécialement des affiches destinées aux Canadiens français, aux Canadiens irlandais et aux Canadiens d'ascendance écossaise. La plupart de ces affiches incitaient les hommes à s'engager et le public à acheter des obligations de la Victoire.

En ce qui concerne la Deuxième Guerre mondiale, les affiches canadiennes reflétaient le fait que le Canada ne subissait pas les attaques d'un agresseur sur son territoire. Alors que les affiches de guerre de certains autres pays représentaient la violence en détail, les affiches canadiennes évitaient généralement les images aussi fortes. Plusieurs affiches de guerre incitaient à nouveau les hommes à s'engager sous les drapeaux et le public à participer à l'effort de guerre, mais les progrès des communications ont fait que beaucoup d’affiches de la Deuxième Guerre mondiale sont des appels à la discrétion et des messages secrets. Un autre thème fréquent était d’inciter les travailleurs à augmenter la productivité.

Il n'y avait pas un organisme gouvernemental central responsable de la production de toutes les affiches de guerre pour la Première Guerre mondiale. En 1916, le gouvernement fédéral a créé le Service des affiches de guerre qui a produit certaines affiches en français et en anglais. Les affiches en français étaient souvent des versions traduites des originaux anglais. Certains citoyens et entreprises privées, bien intentionnés, ont produit leurs propres affiches pour contribuer à l'effort de guerre, et souvent chaque régiment publiait ses propres affiches de recrutement. La Commission canadienne du Ravitaillement s'est mise à publier des affiches vers la fin de la guerre pour inciter les citoyens à produire et à conserver la nourriture. La production des affiches pour la Deuxième Guerre mondiale était centralisée sous la houlette du Bureau de l'information publique qui a cédé la place au Bureau de l'information en temps de guerre en 1942. À l'instar de ce qui s'était passé auparavant, certaines entreprises privées, comme la Maison Seagram, et certains citoyens ont continué à publier des affiches pour soutenir l'effort de guerre.

Les affiches de guerre cherchaient à transmettre un message sans équivoque aux lecteurs. Si une affiche incitait à l'achat d'obligations de la Victoire ou dissuadait les gens de parler du mouvement des troupes alliées, sa mission était de transmettre un message bien précis qui ne pouvait faire l'objet que d'une seule interprétation. Les modes de transmission des messages des affiches étaient différents d’une guerre à l’autre. Lors de la Première Guerre mondiale, les affiches étaient riches en texte alors que celles de la Deuxième Guerre mondiale utilisaient avec plus d'efficacité des slogans emphatiques et de nombreux graphiques. Overseas Battalion 148 Now Recruiting, une affiche de la Première Guerre mondiale conçue par l'architecte et artiste, Percy Erskine Nobbs (1875-1964), présente l'image d'un officier tuant un aigle allemand. Par rapport à Allons-y Canadiens, affiche de recrutement de la Deuxième Guerre mondiale de Henri Eveleigh (né en 1909), l'affiche de Nobbs comporte moins de couleurs, plus de texte et son impact est moins émouvant. L'officier est dépourvu d'expressions alors qu'il tue l'aigle symbolique. En revanche, le soldat de l'affiche de Eveleigh brandissant son arme, le visage empreint d’une intense émotion, a une attitude d'attaquant à l'égard du spectateur. Le texte fort simple, Allons-y Canadiens, s'inscrit en format gras dans le quart inférieur de l'affiche. Ce n'est pas seulement une invitation à s'enrôler, comme ce fut le cas de beaucoup d'affiches de la Première Guerre mondiale, mais une sorte de commandement passionné. Durant la Deuxième Guerre mondiale, on lança des appels plus audacieux à travers les affiches, en partie parce que le monde avait déjà connu les horreurs de la Première Guerre et aussi parce que l'expérience de la publicité et les études contemporaines avaient révélé que les appels dramatiques et émouvants exerçaient une plus forte impression sur le public canadien. Selon une étude de l'agence Young et Rubican de Toronto en 1942, il ressort que les affiches les plus efficaces étaient tout simplement les plus émouvantes, "faisant appel aux sentiments avec des images réalistes émaillées de détails photographiques, accessibles à des millions de citoyens des classes moyennes" (Choko, 1994). Cette même étude a permis de constater que le symbolisme et l'humour n’avaient aucun impact sur le public. Les artistes qui ont dessiné les affiches de guerre étaient aussi bien des graphistes anonymes que des peintres canadiens célèbres, et c'est pour cette raison que les affiches de guerre canadiennes présentent une telle diversité de styles. Les artistes étaient parfois les lauréats de concours d'affiches de guerre organisés durant les deux guerres. Le besoin de trouver une image efficace pour les affiches a permis à de nombreux artistes et graphistes de s’exercer et de révéler leurs talents. L'architecte et peintre, Harry Mayerovitch, qui est né et a grandi à Montréal est l'un des concepteurs de ces affiches. Il a travaillé à Ottawa de 1942 à 1944 et a conçu un certain nombre d'affiches pour diverses campagnes de guerre sous le pseudonyme de "Mayo". Il a mérité le premier et le troisième prix au titre des affiches de guerre canadiennes en 1944.

Les affiches de guerre canadiennes étaient produites pour un public particulier et à des fins bien précises. Elles ne se voulaient nullement être des documents archivistiques ou historiques, mais en raison de la spécificité de leur époque et de leur lieu, elles sont devenues une ressource précieuse grâce à laquelle les chercheurs et le public intéressé peuvent aujourd'hui étudier certains aspects de la vie pendant la guerre. Les affiches de guerre canadiennes offrent au spectateur moderne des images apparemment périmées et distantes, alors qu’elles véhiculent à la fois l'intensité et l’actualité d'une époque révolue.