Les salons

La sincère : balladeLa sincère : ballade Véritable institution culturelle ayant vu le jour sous l’Ancien Régime, les salons revêtaient une grande importance pour le parrainage, l’interprétation et la diffusion de la musique. Les dirigeants politiques et les intellectuels en vue s’y réunissaient pour échanger et débattre de questions culturelles, littéraires ou philosophiques. En tant que salonnières les femmes jouaient un rôle essentiel qui exigeait d’elles un degré considérable d’aisance financière, d’éducation et d’influence. Durant la monarchie de Juillet (1830–1848), monarchie constitutionnelle sous le « roi citoyen » Louis Philippe, les salons échappaient à la portée exclusive de l’aristocratie. Ils continuèrent néanmoins de fleurir jusqu’à la fin du XIXe siècle.

En 1846, dans les salons parisiens, on comptait quelque 850 « intermèdes musicaux » assez substantiels pour être considérés comme des concerts privés. La musique tenait un rôle central, en particulier à cause de l’influence de musiciens comme Chopin, qui préférait l’intimité et le caractère exclusif des salons aux salles de concert, et qui cultivait des genres musicaux convenant parfaitement à ces cercles intimes : études, nocturnes ou mazurkas. La programmation dépendait des goûts de l’hôtesse, de ses préférences, du milieu et des invités. La princesse Cristina Belgiojoso, une aristocrate qui s’était enfuie à Paris à la suite de l’échec des insurrections italiennes des années 1830, accueillit en 1837 un événement-bénéfice au profit des exilés italiens. C’est à cette occasion qu’eut lieu le fameux duel entre Liszt et Thalberg. Plusieurs œuvres majeures de cette période furent interprétées au salon de Marie d’Agoult, dont l’arrangement de Liszt pour piano de la Symphonie fantastique de Berlioz, les mazurkas de Chopin, les études de Hiller et les lieder de Schubert chantés en français par le ténor Adolphe Nourrit. À cela s’ajoutaient des extraits d’opéra, des pièces pour harpe ou guitare et des romances. Au milieu du siècle, aux « vendredis de Jacques » créés par Offenbach, on divertissait les invités avec des scènes burlesques et des parodies du grand opéra.

Le chanteur des bois : duo pour contralto et sopranoLe chanteur des bois : duo pour contralto et sopranoLes salons chevauchaient les sphères publique et privée. La musique de salon incluait une variété de genres de musique que l’on pouvait entendre à la fois dans les salles de concert, au théâtre ou à la maison. Les musiques composées pour un usage privé ou pour les salons pouvaient avoir une influence politique et une signification historique. Mary Ann Smart (2010) a montré comment les Soirées musicales de Rossini et les Soirées italiennes de Mercadante — des cycles de chansons composées sur des poèmes du Conte Carlo Pepoli qui comportent des allusions à I puritani de Bellini et qui ont possiblement encouragé les sympathies envers l’unification de l’Italie —, étaient non seulement chantées dans les salons parisiens, mais également distribués à un plus large public sous forme de musique en feuilles. Les salons ont contribué de façon notable à la promotion et au patronage des compositeurs et des interprètes en aidant au lancement de leurs carrières professionnelles et en cultivant un auditoire dynamique et passionné.

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Femmes et production de musique

Pour aller plus loin

Agoult, Marie de Flavigny. Mes souvenirs, 1806–1833. 3rd ed. Paris: Calmann Lévy, 1880.

Atwood, William G. The Parisian Worlds of Frédéric Chopin. New Haven: Yale University Press, 1999.

Brooks, Jeanice. “Nadia Boulanger and the Salon of the Princesse de Polignac.” Journal of the American Musicological Society 46, no. 3 (Fall 1993): 415–68.

Dahlhaus, Carl. Nineteenth-Century Music. Translated by J. Bradford Robinson. Berkeley: University of California Press, 1989.

Leung-Wolf, Elaine.“Women, Music, and the Salon Tradition: Its Cultural and Historical Significance in Parisian Musical Society.” DMA thesis, University of Cincinnati, 1996.

Ross, James. “Music in the French Salon.” In French Music Since Berlioz, edited by Richard Langham Smith and Caroline Potter, 91–115. Aldershot: Ashgate, 2006.