Les loisirs de la nouvelle femme

Le culte de la femme, la femme reine, chez elle. Les jours d'exposition, les grands jours de vente, elle règne en foule, elle est comme en pays conquis, volontaire, arrogante, régnant sur le peuple de commis qui ne sont plus que leurs choses. On a dit : « Si on supprimait le grand magasin, il y aurait une révolution de femmes. » C. dit que le grand magasin de nouveautés tend à remplacer l'église. Cela tourne à la religion du corps, de la beauté, de la coquetterie et de la mode. Elles vont là passer des heures, comme elles allaient à l'église : une occupation, un endroit où elles se passionnent, où elles entrent en lutte avec leur passion de la toilette et l'économie de leur mari, enfin tout le drame de l'existence, avec l'au-delà de la beauté.

– Émile Zola, Au bonheur des dames, Dossier préparatoire II (Bibliothèque Nationale de France, NAF 10278, fol. 88).

De la pratique des sports et au voyage jusqu’au magasinage et aux promenades sur les grands boulevards récemment créés par Haussmann, de nouvelles possibilités de loisir sont apparues pour les femmes pendant la seconde moitié du siècle. En 1900, dans le journal féminin La Fronde, on pouvait lire : « La Parisienne d’aujourd’hui est partout, s’occupe de tout, s’intéresse à tout. Sa vie a complètement changé  elle participe à tous les sports en honneur : bicyclette, pétrolette, cheval, automobilisme, mail-coach, yachting. » Évidemment, la pratique de ces activités variait selon le rang social. Si le tennis ou le magasinage étaient de nouveaux et passionnants passe-temps pour la bourgeoisie, de nombreuses femmes appartenant à la classe ouvrière ne pouvaient, faute de temps et de moyens, s’offrir pareils loisirs.

Même si les femmes pratiquaient divers sports comme le tennis, la gymnastique, l’équitation, le tir à l’arc et la natation, c’est l’image de la femme à bicyclette qui est devenue le symbole de la « nouvelle femme ». Si certains voyaient dans la pratique sportive une menace pour la santé des femmes, d’autres vantaient au contraire ses mérites et le sport devint pour elles une activité socialement admise. Le Paris de la Belle Époque offrait une multitude d’événements auxquels les femmes pouvaient assister dans leurs temps libres : les courses de chevaux, le cirque, les concerts au Jardin zoologique et les spectacles de music-hall. Comme l’a remarqué Jacques Attali, on assista à cette époque à la « naissance d’une consommation populaire de loisir marchand » (1977, 154–55). Alors que les cabarets et certains cafés-concerts étaient toujours jugés peu fréquentables à cause de leur répertoire grivois et de leur atmosphère trouble, les music-halls et plusieurs cafés-concerts se mirent à accueillir de respectables bourgeoises.

Les nouveaux grands magasins, comme Le Bon Marché, apportaient à la femme bourgeoise une autre source de divertissement : le « shopping » qui, d’une activité banale et nécessaire, se transforma alors en passe-temps agréable. Les magasins attiraient et divertissaient les femmes, leur permettant de satisfaire leur goût pour les produits de luxe annoncés dans les magazines de mode dernier cri. Le Bon Marché employait plusieurs jeunes femmes célibataires et organisait même des activités de loisirs pour ces « demoiselles de grands magasins ». Elles pouvaient suivre des cours de langue, des leçons d’instrument de musique ou bien chanter dans la chorale du magasin. Dans le grand hall du magasin, des vedettes de l’opéra ou du café-concert venaient chanter, accompagnées par la chorale et l’harmonie du Bon Marché.

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