Les femmes au travail

C'étaient des poissonnières; l'aînée était superbe; la petite, qui vendait du poisson d'eau douce, ressemblait à une vierge de Murillo, toute blonde au milieu de ses carpes et de ses anguilles.

– Émile Zola, Le ventre de Paris (1873, I, 27).

L’ouvrière! … ce mot sonne aux oreilles comme le synonyme, comme le résumé des choses cruelles: douleurs, privations, misères, prostitution.

– Hippolyte, Dussard, Le Journal des économistes (1861, 84).

La multitude de femmes travailleuses dont il est question dans les chansons semble défier l’idée de femmes exclues du marché du travail. Les illustrations de couverture et les titres que l’on retrouve dans la collection de musique en feuilles du XIXe siècle français montrent que les femmes occupaient une étonnante variété d’emplois. Elles pouvaient être, entre autres, porteuses d’eau, bonnes, nourrices, lingères, tailleuses, couturières, fileuses, cuisinières ou portières. De fait, avant 1860, les femmes représentaient environ le tiers de la main d’œuvre et travaillaient principalement dans les industries du textile et du vêtement, dans la domesticité et dans le domaine agricole.

La cusinière et la portière.La cuisinière et la portièreCes exemples de femmes au travail viennent ébranler l’image de la femme généralement reléguée dans l’espace domestique. Pour Joan Scott et Louise Tilly (1975), la croyance selon laquelle la place de la femme doit être à la maison, loin de la sphère publique, est une invention du XIXe siècle qui servait à imposer les valeurs de la bourgeoisie. Si la femme bourgeoise accédait graduellement au marché du travail, les femmes des classes ouvrières urbaines et les paysannes de la campagne y participaient depuis longtemps et souvent par nécessité. Par conséquent, le travail à l’extérieur n’était pas une expérience partagée par toutes les femmes ni ne possédait les mêmes vertus émancipatrices pour toutes.

C’est surtout dans les centres urbains que l’on constatait un accroissement du nombre de femmes sur le marché du travail, un phénomène dû en partie à l’exode rural. En ville, les femmes exerçaient divers métiers, de blanchisseuse à marchande. Par des cris accrocheurs, faits de courts motifs mélodiques dont plusieurs furent transcrits et conservés (par exemple dans Les voix de Paris de Georges Kastner, 1857), les vendeuses annonçaient leur marchandise : poireaux, hareng, vieilles chaussures, artichauts, fleurs... Le monde du théâtre employait aussi des femmes. En plus de chanter sur les planches ou de jouer la comédie, les femmes travaillaient comme souffleuses et comme ouvreuses de loges dans les théâtres.

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