Les prima donna dans les salons

Voyez-la parmi ses confrères dans une soirée d’artistes, se dédommageant des somptueux costumes qu’elle porte souvent au théâtre par la simplicité de sa toilette et de sa coiffure, se mettre au piano et chanter des romances de sa composition, sous lesquelles brille une harmonie pure et distinguée. On est sous le d’une déclamation vraie, sentie, d’une mélodie tour à tour naïve ou brillante et d’un accompagnement comme l’écrirait Liszt ou Thalberg.

– Henri Blanchard, « Mme Damoreau, » La Revue et Gazette musicale de Paris, 15 novembre 1840.

Dans le Paris du XIXe siècle, les chanteuses étaient énormément actives. En plus des répétitions et de leurs prestations à l’opéra, plusieurs chantaient également dans les salons à la mode. Les salons donnaient l’occasion aux chanteuses en herbe d’acquérir de l’expérience avant de lancer leurs carrières professionnelles. Dans l’année qui précéda ses débuts à l’Opéra-Comique (1848), Delphine Ugalde (1829–1910) chanta au cours d’innombrables soirées : « … je chantais dans les soirées, écrit-elle, cela [ne] me rapportait pas grand chose [sic], mais il fallait alors comme aujourd’hui, se faire entendre beaucoup pour trouver enfin l’occasion de gagner de l’argent. » Les salons étaient aussi des refuges pour les chanteuses qui s’étaient retirées de la scène. Longtemps après sa retraite en 1841, Laure Cinti-Damoreau (1801–1863) continua de chanter dans les salons, où elle interprétait ses propres compositions en s’accompagnant au piano.

Outre les airs ou les ensembles d’opéra, les chanteuses s’adonnaient à des genres plus légers : romances, tyroliennes ou chansonnettes. Ces chansons étaient écrites par des compositeurs contemporains et même par les chanteuses elles-mêmes — Maria Malibran (1808–1836), sa sœur Pauline Viardot (1821–1910), Cinti-Damoreau et sa fille Marie (1834–1906) composèrent toutes. Durant cette période, les compositeurs publiaient aussi des chansons associées à un chanteur en particulier, lequel était identifié sur la page titre, comme une sorte de dédicace, mais aussi à des fins publicitaires. Comme l’écrivait Jacques-Auguste Delaire en 1845 : « Sous le rapport commercial, la romance est une denrée qui a du débit lorsqu’elle est lancée dans les salons sous le patronage d’un chanteur à la mode. » Les revues de musique, tel que Le Ménestrel, propriété de la maison d’édition Heugel, payaient même les chanteurs pour qu’ils fassent la promotion des chansons qu’elles publiaient.

Les salons accueillaient aussi des interprètes amateurs ou semi-professionnels. Les conventions sociales de la bourgeoisie et de l’aristocratie empêchaient habituellement les femmes d’être payées pour se produire en public. Toutefois, plusieurs femmes comme Mme Iweins-d’Hennin, Mme Lefébure-Wely et Émilie Gaveaux-Sabatier (1820–1896), cette dernière ayant même été appelée « la Patti de la romance », tiraient avantage de l’espace semi-public des salons pour mener une carrière prospère et gratifiante de chanteuse.

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